« N’y a-t-il que l’argent qui compte ? » ou comment développer une stratégie d’incitation efficace
Comment satisfaire tous les acteurs impliqués dans le succès d’un projet, d’un service ou d’un produit ? Chacun souhaite naturellement être récompensé pour son travail, mais comment concrétiser cette reconnaissance ? Certaines mesures incitatives auront un effet stimulant à court terme tandis que d’autres peuvent devenir des éléments moteurs à plus longue échéance pour pérenniser la réussite de l’entreprise. Les systèmes d’incitation mis en œuvre dans le domaine de l’open-innovation peuvent fournir quelques éléments de réponse à ce sujet.
Tous les managers sont confrontés au même challenge : comment identifier et récompenser les collaborateurs qui se sont investis pour obtenir des résultats ? Quel type de récompense adopter pour s’assurer de leur volonté de continuer à collaborer de manière aussi positive ? Les réponses à ces questions intéressent évidemment aussi bien les collaborateurs que leurs responsables. Dans le domaine de l’open-innovation, les recherches menées et les ressources utilisées font l’objet d’une communication plus transparente de la part des départements R & D. Ils n’ont donc plus la propriété exclusive du produit fini. Ce mode de fonctionnement offre un excellent exemple des moyens à appliquer pour optimiser le niveau global de satisfaction et de motivation, pas seulement à court terme mais aussi sur le long terme.
Une science humaine et managériale
À juste titre, les précédentes études se sont beaucoup focalisées sur les aspects humains et comportementaux de cette question. Les collaborateurs réagiront différemment aux différents systèmes de reconnaissance de leur travail, depuis les bonus et les augmentations de salaire jusqu’aux changements hiérarchiques et aux évolutions de leur profil de poste. Mais ce sujet est potentiellement sensible, car le manager doit se soucier non seulement du maintien des performances des collaborateurs mais aussi de celles de l’entreprise. Il est donc essentiel de bien concevoir et mettre en œuvre ces dispositifs, sans oublier, autant que possible, de satisfaire tout le monde…
Systèmes d’incitation : faites votre choix !
En fonction des performances et des résultats obtenus, ils peuvent prendre principalement trois formes plus ou moins tangibles.
- La première et la plus évidente consiste traditionnellement à offrir une contrepartie financière (augmentation de salaire, bonus, modification des termes contractuels, remboursement des notes de frais, etc.).
- La deuxième, qui est la plus immatérielle, peut comprendre la fourniture d’opportunités de réseautage à l’international et d’une meilleure visibilité dans l’environnement professionnel. Le fait d’améliorer l’accessibilité des connaissances de haut niveau au sein de l’entreprise et de favoriser le développement de relations plus durables et plus profitables dans le secteur est aussi intéressant.
- Enfin, il est possible de faire évoluer le profil d’un poste suite à l’obtention de bons résultats, que ce soit en assouplissant la répartition des horaires de travail, par une implication renforcée dans des discussions stratégiques ou en facilitant l’accès aux principales problématiques de propriété intellectuelle. L’essentiel est de déterminer les priorités du collaborateur et leur impact sur l’entreprise.
La prime avant tout ?
Pour le manager, la question est clairement de savoir comment tirer le meilleur parti de ses collaborateurs et s’assurer de leur satisfaction et de leur engagement à obtenir les mêmes bons résultats (voire à les améliorer). L’incitation financière est manifestement avantageuse à court terme, mais on peut se demander, si elle n’est pas renouvelée par la suite, si les personnes resteront aussi motivées. Le fait que les primes soient considérées comme un dû posera un problème de plus à gérer au niveau RH.
La deuxième option est plus adaptée aux collaborateurs qui inscrivent leur travail dans une démarche d’open-innovation, au lieu de se contenter de percevoir un salaire à la fin du mois. Les propositions susceptibles de leur être faites en compensation de leur contribution ouvrent de nouvelles perspectives pour leur évolution de carrière.
La troisième option va encore un peu plus loin. Elle offre aux collaborateurs performants la possibilité de gravir les échelons : le système d’incitation ne prend pas nécessairement et immédiatement une forme financière, mais se traduit par leur implication dans des projets clés. Bien que plus difficile à mettre en œuvre d’un point de vue managérial que la simple signature d’un chèque, cette solution influera positivement et durablement sur les résultats de l’entreprise.
Comment « vendre » la troisième option ?
L’un des principaux obstacles à l’adoption de cette troisième solution tient à l’idée que se font les collaborateurs d’un système d’incitation. La théorie est une chose, mais concrètement, le travail est avant tout un moyen de gagner sa vie. Une plus grande transparence dans l’entreprise peut sans aucun doute apporter des bénéfices au niveau des flux de travail et des modalités de prises de décisions à haut niveau. Le personnel en bout de chaîne peut ainsi se sentir aussi impliqué que les dirigeants qui appliquent effectivement les stratégies. Cette approche s’inscrit dans un processus de « socialisation » globale où la hiérarchie perdure mais où tous les acteurs d’un projet restent engagés et surtout, reconnus pour leur contribution.
À suivre….
Il reste à savoir comment les managers évaluent les différents rôles joués par les collaborateurs dans la réussite d’un projet pour ensuite définir et mettre en œuvre une stratégie cohérente, ce qui ouvre la voie à d’autres recherches. Un important travail d’apprentissage organisationnel doit être mené parmi les équipes dirigeantes, notamment quand la dimension multiculturelle entre en ligne de compte. Les systèmes d’incitation individuels peuvent sembler plus facilement applicables car ils sont rapidement payants. Toutefois, les équipes dirigeantes devront continuer à jongler avec les intérêts à court et à long terme des collaborateurs et de l’entreprise, et déterminer la meilleure manière de les intégrer dans une stratégie globale plutôt que d’agir au cas par cas.
Cet article est basé sur l’étude Strategic Incentive Systems For Open Innovation, [Systèmes d’incitation stratégiques pour l’innovation ouverte] rédigée par Dirk Schneckenberg et publiée dans The Journal of Applied Business Records – Janvier/Février 2014 (volume 30, numéro 1).
Dirk Schneckenberg est professeur associé de management stratégique à l’ESC Rennes School of Business. Ses domaines de recherche portent sur le management des connaissances, la réflexion sur les modèles économiques et les stratégies d’innovation, ainsi que sur la nécessité de réorganiser l’enseignement supérieur au 21e siècle.