Faculté & Recherche -Intégrer un incubateur : une stratégie gagnant-gagnant

Intégrer un incubateur : une stratégie gagnant-gagnant

Le brevet a longtemps été le moyen retenu pour protéger la propriété intellectuelle. Ce n’est cependant qu’une solution de dépannage : les grandes entreprises ont largement les moyens de payer les redevances dues au licencié. L’article a pour objet de présenter deux tendances possibles pour des entrepreneurs désireux d’exploiter des expertises intangibles : l’importance grandissante du “savoir tacite” et la possibilité pour les start-up d’intégrer des centres de recherche.

Savoir explicite ou tacite ?

Le savoir explicite correspond aux résultats formalisés et certifiés : licences, copyrights, marques déposées, livres, Internet, bases de données ou encore études de cas. Le savoir tacite se réfère quant à lui à des manifestations intangibles, non écrites ou non exprimées de la connaissance : communautés de pratiques, compétences, interactions entre collaborateurs d’une entreprise, expérience et savoir-faire.

Les entrepreneurs cherchent à disposer de toujours plus de savoir, qu’il soit explicite ou tacite. Pour les aider, les institutions publiques créent des incubateurs, qui permettent d’accéder en interne à ces deux types de savoirs. Ces structures gagnant-gagnant génèrent ainsi des revenus pour les institutions comme pour les centres de recherches. En contrepartie de la mise à disposition des lieux, les entrepreneurs bénéficient d’un accès privilégié à l’information, qui serait en d’autres circonstances bien plus coûteux, en temps comme en argent, et bien plus difficile à trouver à l’extérieur, au moins en ce qui concerne le savoir tacite.

 

Comprendre le concept d’incubateurs

Une récente analyse qualitative et exhaustive s’est intéressée à cette approche en “incubateur” dans laquelle des entreprises intègrent des institutions publiques afin d’accéder à la fois à du savoir explicite et tacite. Elle a été conduite sur la base de trois études de cas par le centre de recherche CEA-LETI, autour de trois incubateurs : Tronics, Beaming et STMicroelectronics. De nombreux critères ont été passés à la loupe : historique de la relation de travail, type et nature de savoir obtenu, parties qui en bénéficient et manière d’en disposer, mais aussi d’autres dynamiques de savoir, comme la confiance et le transfert d’expertise. L’objectif : établir un ratio entre le coût de création du dispositif d’incubation et son éventuel retour sur investissement. L’une des conclusions principales montre que maintenir un équilibre entre un savoir tacite et explicite a un impact très positif sur le succès relatif du partenariat. Dans tous les exemples, le dispositif d’incubation a permis un transfert du savoir à un prix ultra concurrentiel. Il a ainsi représenté une économie relative pour les entrepreneurs qui achètent et une source de revenus commerciaux pour les institutions qui vendent. Sur la base d’un ratio initial création-utilisation de 80-20, les projets les plus réussis ont inversé la tendance vers du 20-80, fournissant une plus-value certaine aux entrepreneurs impliqués et représentant une fraction du coût d’achat de licences et d’accès au savoir selon des modes de piratages illégaux.

 

Une démarche à systématiser

Outre ses avantages financiers, l’approche en incubateur présente un autre atout non négligeable : celui de la potentielle éradication du piratage de savoir.

Les entrepreneurs sont, par définition, des hommes et des femmes d’affaires présentant une forte curiosité et un désir d’innovation très fort. Pour convertir leur motivation à innover en véritable entreprise, ils vont souvent avoir besoin d’accéder, d’une manière ou d’une autre, à un savoir pré-existant. Et force est de constater que les licences constituent un obstacle au savoir, compte tenu de coût trop élevé pour les plus petites organisations.


Ce texte s’inspire de l’article “Pillage intelligent du savoir tacite : les accords des institutions pour un piratage consenti”, écrit par Laurent Scaringella et publié dans la revue “Int. J. Entrepreneurship and Small Business” (Vol. 22, No. 4, 2014).

Laurent Scaringella est Professeur Assistant en stratégie et en innovation à l’ESC Business School de Rennes. Ses champs de recherche couvrent la gestion de l’innovation et du savoir, l’entrepreneuriat, les économies géographiques et la conception organisationnelle.